Responsables : Noémie Budin (LIS, Univ. de Lorraine) et Clémentine Hougue (3L.AM, Le Mans Université)
Cet axe vise à investiguer l’imaginaire du temps dans ses liens avec l’Histoire. Deux questions principales organisent la réflexion : quels imaginaires du temps la convocation de l’Histoire fait-elle apparaître ? Mais aussi, en retour, en quoi la mise en scène de l’Histoire et sa réappropriation par les acteurs sociaux interroge-t-elle notre rapport au temps ? Pour répondre à ces interrogations, il s’agira de s’intéresser aux motivations et aux enjeux d’une recréation fictionnelle et/ou ludique de l’Histoire.
L’Histoire comme médium de l’imaginaire
Dans la littérature, le cinéma ou les arts visuels qui prennent l’Histoire pour objet, les diégèses peuvent être situées dans des cadres spatio-temporels plus ou moins précis et sont associées à des époques historiques réalistes ou fantasmées. Pareillement, quelles que soient leurs pratiques, de la reconstitution historique au wargame, en passant par les AMHE et la peinture sur figurines, les amateurs d’Histoire s’inspirent des époques passées, allant de leur simple évocation à des mises en scène solidement documentées.
Ces pratiques posent alors la question de la dimension ludique liée au voyage dans le temps via l’imaginaire historique : si elles relèvent du divertissement, elles apparaissent également comme un moyen de créer des liens entre les périodes mises en scène et l’époque contemporaine. Elles interrogent également le rapport au temps et à l’Histoire en tant que médium d’immersion fictionnelle. De nombreux auteurs de fantasy situent par exemple leurs récits dans des contextes historiques précis auxquels ils ajoutent des éléments surnaturels : c’est par exemple le cas de Pierre Bordage qui, dans L’Enjomineur (2004-2006), met en scène ses personnages pendant la période de la Révolution française. D’autres, au contraire, contextualisent leurs histoires dans une temporalité imprécise et merveilleuse, comme La Sève et le Givre de Léa Silhol (2002). Il s’agit alors de se demander quel est l’intérêt d’apporter un contexte historique aux œuvres ou, au contraire, ce que suggère le choix de se détacher totalement d’une temporalité logique et réaliste. Et quid des activités de loisirs qui mobilisent également l’imaginaire d’un temps historique ? Ce sont plus généralement les représentations des époques historiques qui pourront être questionnées (colloques du festival Fest’Ain d’Histoire, octobre 2020 et 2022).
L’Histoire comme moyen de questionner l’imaginaire
Par ailleurs, les usages de l’imaginaire historique permettent de s’interroger autant sur les époques représentées que sur l’époque contemporaine qui les met en scène selon ses propres critères et enjeux. En quoi ces appropriations de l’Histoire (à travers la création de fictions et les pratiques ludiques) nous permettent-elles de porter un regard non seulement sur la période mobilisée, mais aussi sur le temps lui-même et les imaginaires qui y sont adossés ? Ainsi, le contexte médiéval ou pseudo-médiéval permet de se questionner sur les motifs et les causes de l’intérêt du public contemporain pour cette période (colloque « S’évader au Moyen-Âge », octobre 2021).
Interprétée à travers des pratiques réelles ou des œuvres de fiction, l’Histoire est un récit qui peut se parcourir dans de multiples directions ou créer une temporalité circulaire infinie. Sa convocation questionne alors les différents types de temps : linéaire, cyclique, festif, (post)apocalyptique, etc. En effet, le rapport entre le temps et l’Histoire ne se borne pas aux temporalités passées et contemporaines. Le temps de l’après est également un motif récurrent de l’imaginaire sur lequel il conviendra de s’interroger, à travers les œuvres d’anticipation et de science-fiction (journée d’étude sur les imaginaires du temps post-apocalyptique, printemps 2022). Qu’il s’agisse de questionnements sociaux, politiques ou encore écologiques, nombreuses sont les problématiques soulevées par l’imaginaire futuriste. Par ailleurs nous pourrons nous interroger sur la notion de hors-temps à travers des interrogations sur les temporalités mythique, merveilleuse ou fantastique (journée d’étude « Les mythes au XXIe siècle », février 2022).
Enfin, les représentations à l’œuvre dans l’historiographie elle-même pourront faire l’objet d’analyses : il s’agira alors de concevoir l’Histoire comme la construction d’un récit porteur d’un imaginaire, mais aussi de s’interroger sur la vision de l’Histoire elle-même à travers les âges et les cultures. En interrogeant « les époques du temps » comme le fait François Hartog dans Chronos. L’Occident aux prises avec le temps (Gallimard, 2020), on pourra ainsi se pencher sur la manière dont l’Histoire définit le temps (et se faisant, se définit elle-même). Enfin, on pourra questionner le temps des historiens ainsi que, plus globalement, celui des sciences humaines, à l’instar du travail de Johannes Fabian, Le temps et les autres. Comment l’anthropologie construit son objet (Anacharsis, [1983] 2006).